Crise au Liban : 1 don par minute sur Just Help

Plus que jamais, le Liban a besoin d’aide. La double explosion du 4 août, qui a fait plus de 170 morts et 6500 blessés, a ravagé la capitale d’un pays déjà dévasté par une crise économique sans précédent.

Sur Just Help, la plateforme que j’ai créée pour aider mon pays, les demandes de mettre en place des collectes alimentaires affluent jour après jour et les donateurs du monde entier répondent à l’appel malgré le climat politique tendu. Voici comment nous gérons la crise en misant tout sur la transparence et la confiance envers nos donateurs.

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Entreprendre pour la bonne cause

J’ai quitté le Liban, mon pays natal, en 2007 pour entamer des études d’ingénieur en France. En 2015, attiré par le monde de l’entrepreneuriat, j’ai lancé un premier projet puis un deuxième avec toujours la même motivation : créer un service “high-tech” qui répond à un besoin simple de la vie quotidienne.

Comme tout entrepreneur, j’ai rencontré des difficultés, célébré des réussites et connu des échecs. En 2018, un de mes projets, Just Help, n’évoluait pas à la vitesse souhaitée en France. Au lieu de me décourager, j’ai décidé de le lancer au Liban. Avec du recul, je m’estime heureux d’avoir pris cette décision car c’était le moment le plus propice, surtout avec l’accélération de la crise.

A travers une plateforme e-commerce, Just Help permet aux associations caritatives de créer des collectes alimentaires en ligne. Ainsi, je voulais révolutionner le monde du don en garantissant 100 % de traçabilité de ces dons qui affluaient sur la plateforme du monde en entier.

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Collecte en cours de Send Your Love - 2020

Aider le Liban, le credo de l’équipe

Au début de l’aventure, c’est ma sœur Aline qui m’a encouragé à monter le projet au Liban. N’étant pas moi-même sur place, elle a pris en charge le développement commercial et administratif de la plateforme au Liban.

Un an plus tard, alors que la crise battait son plein, je rencontre, autour d’un café à Paris, Sandra, une franco-libanaise. Captivée par le projet, elle me propose son aide gracieusement. Son seul souhait est d’aider le pays déjà plongé dans la crise. Sandra a pris en charge le volet communication auprès des associations.

Nohade, ma deuxième sœur, a rejoint l’équipe après avoir perdu son poste de manager au Bristol, un des hôtels emblématiques de l’âge d’or du Liban qui a fermé ses portes à cause de la crise. Ne voulant pas rester les bras croisés, tout comme Sandra, Nohade a proposé son aide sans contrepartie. C’est elle qui gère la partie merchandising, en négociant les meilleurs tarifs auprès des fournisseurs au profit des associations.

Stimulés par notre forte envie d’aider notre pays, nous nous sommes retrouvés, sans le réaliser, à monter un projet qui allait devenir indispensable pour les associations libanaises au moment de la crise qui s’intensifiait jour après jour.

Complexité bancaire vs. chaos économique

En mars 2020, la situation économique et financière du pays était chaotique. La livre libanaise avait perdu six fois sa valeur en quelques mois. Les chiffres annoncés par la Banque mondiale étaient alarmants. Plus de 50% de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté et plus de 30% sous le seuil d’extrême pauvreté. Les denrées alimentaires étaient de plus en plus chères et les plus démunis n’avaient plus de quoi manger. La crise du coronavirus n’a fait qu’empirer les choses.

Ce qui était difficile pour nous, c’était d’expliquer d’une manière claire aux donateurs que le paiement en euro et en dollar permettait l’achat d’un nombre plus important de produits parce que c’était du “Fresh Money” (problématique liée à la dévaluation de la livre libanaise).

C’était également complexe de négocier les prix avec les fournisseurs locaux, impactés par une inflation et une pénurie d’une grande ampleur. Nous nous sommes transformés en une vraie centrale d’achat pour les associations afin de leur garantir les meilleurs prix.

Par ailleurs, pour permettre aux étrangers de donner trois fois plus, nous avons mis en place un partenariat avec Energis Libani, présidée par Walid Feghali. Cette association d’intérêt général française permet aux résidents en France de bénéficier d’une réduction fiscale. Les fonds collectés sont, par la suite, utilisés pour acheter des denrées alimentaires aux plus démunis.

Très rapidement, nous avons pu gagner la confiance des donateurs grâce à notre modèle économique qui se base sur une participation facultative des donateurs avec 0% de marges sur les produits.

En deux mois, la mobilisation de centaines de Libanais du monde entier était tellement forte que nous avons réussi à collecter 1 milliard de livres libanaises en denrées alimentaires destinées à des milliers de familles nécessiteuses.

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Bilan de la collecte de l’association “Enfants de Lumière” — 2020

Le grand choc du 4 août

Le 4 août 2020 allait être une journée comme les autres. Je me suis réveillé tranquillement, passé ma matinée à répondre à des mails et à discuter avec Sandra, qui était rentrée au Liban pour rendre visite à sa famille.

A 19h30, je reçois une première vidéo choc sur WhatsApp qui montre le premier incendie. J’appelle automatiquement ma famille pour m’assurer que tout allait bien de leur côté.

Quelques minutes plus tard, les vidéos de la grande explosion ont commencé à s’enchaîner sur internet et les chaînes d’informations et j’assistais, impuissant, à l’effroi de mes compatriotes et à l’effondrement de mon pays, à travers un écran de télévision.

Sandra, dont le papa habitait en face du port, était une des premières victimes directes que je connaissais. Son papa est sorti indemne par miracle, avec quelques petites blessures. Alors qu’elle gérait la situation délicate de son papa, Sandra, voulait à distance, apporter aux autres la plus grande aide possible.

Dans les heures qui ont suivi le désastre, nous étions, avec mes sœurs, totalement paralysés et incapables de réagir face à ces terribles images qui défilaient et le nombre des décès et des blessés qui montait crescendo.

Il fallait se connecter sur Just Help, contacter des associations, monter des collectes mais je n’arrivais pas à écrire, voire même à réfléchir à ce qu’il fallait faire. J’ai réalisé que notre startup était lancée mais n’était pas prête à gérer un très grand nombre de collectes. Nous n’imaginions pas un tel coup pour pouvoir l’anticiper.

La résilience après la tempête

Le lendemain matin, j’ai réussi à retrouver mes esprits mais les questions n’ont pas arrêté de fuser dans ma tête.

  • Nos réserves de blé ont disparu. Il reste le stock d’un mois de blé. Comment va-t-on faire ?
  • Le port est complètement détruit. Comment va-t-on recevoir la marchandise ?
  • Comment ce nouveau coup allait-il se répercuter sur le prix des produits ? Ils étaient déjà chers, qu’en sera-t-il maintenant ?
  • Est ce que tous les fonds qu’on va collecter vont être suffisants face à un tel chaos ?

J’avais des doutes face à autant d’indicateurs négatifs, mais les dizaines d’appels reçus ce matin là ont changé la donne. J’avais au bout du fil, des expatriés libanais, en pleurs qui m’exprimaient leur impuissance avec la distance qui nous séparait du Liban mais qui me parlaient en même temps de différentes initiatives qu’ils voulaient lancer pour aider. Ça m’a reboosté.

Au fil de la journée, les demandes des collectes n’ont pas arrêté et j’ai dû faire appel à mes amis pour m’aider à écrire les textes des nouvelles collectes groupées dans la page Relief fund.

Nous voulions également faciliter l’accès à d’autres dons que l’alimentaire. Il est désormais possible de faire un don pour se procurer de nouvelles vitres, payer des médicaments ou aider à reconstruire les hôpitaux et les habitations détruits.

Aujourd’hui, nous ne nous considérons plus comme une startup. Nous réfléchissons comme tous les expatriés libanais qui veulent simplement aider par tous les moyens.

Depuis l’explosion, nous recevons 1 don par minute de partout dans le monde. Nous avons l’impression que le monde entier est à nos côtés ! Les messages de soutien ne s’arrêtent pas et cela nous donne encore plus envie de nous battre pour notre pays.

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Les donateurs en quête de transparence

Depuis le 4 août, nous nous sommes rendus compte que les donateurs cherchaient avant tout la transparence. Ils veulent donner, aider autant qu’ils peuvent mais ils veulent être sûrs et certains que leur argent arrive à la bonne destination.

Le gouvernement, les associations et organisations gouvernementales ont totalement perdu la confiance du peuple. Même les Libanais qui veulent, à titre personnel, aider ont peur que les fonds envoyés soient détournés.

Les échanges avec les donateurs sont de plus en plus nombreux au fil des jours et nous faisons de notre mieux pour clarifier le fait que Just Help n’est pas une plateforme de collecte de fonds. Ainsi, les fonds ne seront jamais transférés à l’association ou à la personne qui est à l’initiative de la collecte mais débloqués uniquement pour payer, au nom de l’association et sur base de facture officielle, les produits qui ont été achetés. L’association reçoit les produits et les achemine aux familles dans le besoin.

Pour sauver une famille, aider à la reconstruction d’une maison ou d’un hôpital détruit, vous pouvez faire un don ici : https://www.just-help.org/